Voici un paradoxe qui me surprend constamment, la matière et l’homme sont appelés à se métamorphoser à s’étendre et s’épandre. Dans l’histoire de l’humanité,  les hommes et la matière comblent toujours le vide autour d’eux et l’homme dans cette quête d’expansion, cherche toujours à conquérir et à dominer. Mais chose surprenante,  au même moment nous résistons au changement ;  le plus petit changement qui veut s’opérer dans notre environnement et qui veut troubler notre quiétude nous stresse et nous mets sur la défensive. La matière et les éléments de la nature ont aussi tendance à revenir à l’état initial lorsqu’un bouleversement intervient en eux ou autour d’eux. Quelque soit l’ampleur de la pluie, de l’inondation, de l’ouragan…, l’eau se retire et la nature essaie de retrouver son état initial malgré les dégâts. Quand vous avez une plaie, le corps secrète des anticorps et lutte pour retrouver son état initial. C’est ce qu’on appelle l’hystérésis : la tendance que les éléments ont à vouloir retrouver leur état initial quand des changements s’opèrent en eux ou autour d’eux. Les hommes ont exactement la même tendance. Mais il se trouve que les bienfaits du changement sont très souvent bénéfiques et infinis lorsque nous acceptons le changement dans nos entreprises, organisations, dans nos relations, dans notre vie de couple… Ce sont les différents changements climatiques par exemple qui ont mis à la disposition de l’humanité les matières premières et les sources d’énergies (pétrole, gaz, charbon…) dont nous jouissons aujourd’hui. Parfois il faut forcer ou provoquer le changement pour se rendre compte qu’on ne jouissait pas réellement de tout ce que la vie a à nous offrir. Voici les quatre phases au travers desquelles le changement finit par se produire.

 

I- LA PHASE DE CONSERVATION

On observe cette phase généralement avec les anciens systèmes ou chez les personnes d’un âge donné. Vous avez déjà entendu dire : « on ne change pas l’équipe qui gagne ». Lorsqu’un système a fait ses preuves pendant un moment, le système s’auto-protège en érigeant des règles difficiles à démonter et chaque fois que vous voulez l’améliorer, on vous sort les règles et procédures qui ont toujours marchées et dans le cas où il y a possibilité de faire évoluer les choses, les démarches à entreprendre sont tellement nombreuses que vous êtes découragé. Malgré les assauts d’Uber, le système de Taxi comme on le connait à Londres depuis plus d’un siècle perdure. Par exemple dans ce système, il faut près de trois ans pour obtenir le permis pour conduire le black cab de Londres alors qu’à côté Uber essaie de démocratiser la pratique. Est-ce qu’il faut tout laisser tomber pour faire de l’Uberisation à outrance ? Je ne saurais le dire, mais c’est un exemple de la résistance face au changement. Quand vous prenez le cas du FCFA, l’un des arguments que beaucoup mettent sur la table ; c’est que ça marche et le taux fixe qu’offre le franc CFA préserverait la zone UEMOA des secousses financières internationales. Est-ce que ce argument tient vraiment la route?  Même s’il pourra avoir plus de bienfaits pour les pays utilisateurs certainement après quelques secousses dues au changement de monnaie, on résiste au changement parce que comme le dirait quelqu’un, il vaut mieux garder son sorcier qu’on connait plutôt que de prendre un supposé ange qu’on ne connait pas. Voilà des réflexions qu’on a lorsqu’on fait de la conservation.

Vous verrez aussi des anciens qui chantent à longueur de journée que les choses étaient mieux en leur temps. Les parents disent cela à leurs enfants, les managers le chantent à leurs collaborateurs, les entrepreneurs racontent tout le temps comment ils se sont débrouillés en leur temps sans moyens ni supports alors que les jeunes d’aujourd’hui veulent de la facilité. Sauf qu’en disant cela et en voulant conserver coûte que coûte les anciennes méthodes qui effectivement  ont marchées pour plusieurs, c’est comme si les pharaons, les aztèques, les incas, les zoulous… nous demandaient d’oublier tous les progrès de la science et de la technologie pour revenir à leurs manières de vivre. Vous imaginez un peu ? Vous n’êtes pas prêts pour cela, n’est-ce pas ?

Il y a de fortes chances de transformer le monde en un musée si nous refusons de rentrer dans le changement en demeurant dans la conservation. Voyons ce que la jeune génération pense de tout cela.

 

II – LA PHASE DE CRITIQUE

Naturellement pendant que d’autres sont dans la conservation et le conservatisme avec le risque de transformer le monde en musée, d’autres pensent que tout cela est dépassé et qu’il faut faire table rase sans même les mettre au grenier. Les enfants sont convaincus que le monde irait mieux, si les parents n’étaient pas là tous les jours à leurs casser les pieds, les collaborateurs sont sûrs de faire des merveilles, si on leur laissait la main, au lieu que les vieux patrons qui ne veulent pas aller à la retraite soient sur leurs dos constamment à leur dire quoi faire. Pour plusieurs de la jeune génération, les choses ne vont pas aussi vite que cela se doit parce que les anciens sont dans la partie et ne comprennent rien au 21s. Lors d’une de mes formations, un jeune manager répondit aux propos d’un senior, en disant : ’Si votre période était aussi meilleure que cela, pourquoi vous n’y retournez pas et comment se fait-il qu’il y a autant de problèmes aujourd’hui si tant est que c’était mieux avant ?’’

Un proverbe africain ne dit-il pas que c’est à la suite de l’ancienne corde qu’on tisse la nouvelle corde ? Les anciens aussi sont convaincus, que les choses iraient mieux dans les entreprises, les organisations, les familles si les jeunes pouvaient faire preuve d’humilité, écouter un peu les conseils … Il est à noter que cette phase de critique est indispensable au changement. Même si parfois on assiste à de l’intransigeance de part et d’autres, il ne peut pas avoir de progrès ni de changement s’il n’y a pas de frictions entre les systèmes, les modes de fonctionnement, les pratiques, les points de vues…. Malgré le fait qu’à un moment donné, les gens se rendent compte qu’il va être difficile de vivre sans les autres, il arrive souvent que les parties n’acceptent toujours pas de se mettre ensemble. Chacun préfère aller de son côté et créer son paradis à lui.

 

III- LA CREATION

Etant donné qu’il arrive parfois que les gens s’installent dans une sorte de dialogue de sourd, chacun préfère aller de son côté pour se sentir bien dans son élément.  Parfois dans les entreprises, vous pourrez observer des anciens qui préfèrent rester d’un côté pour ne pas s’emmerder avec les jeunes. Et d’autres parts, vous verrez les jeunes qui se mettent aussi de leurs côtés. Lorsque la situation l’exige, les deux parties se retrouvent sans une réelle osmose ou cohésion. Les anciens considèrent que les jeunes sont sans valeurs ni principes et ne sont intéressés que par les biens matériels. Les jeunes proclament que les valeurs et principes ne donnent ni à manger, ni de voiture, ni de maison et cetera. Ainsi ce qui compte, c’est combien l’on gagne et ce qu’il y a sur le compte bancaire par exemple. Il se trouve que certaines expériences de la vie semblent confirmer cela. Le monde semble accorder plus d’importance aux possessions et au statut social qu’à autre chose. Quand dans certaines situations, on sollicite les jeunes pour contribuer aux cérémonies au village et de la famille par exemple, ils considèrent qu’ils avaient raison en clamant que l’on ne peut vous respecter si vous n’avez rien.

Il est important de mettre en exergue les risques encourus par chaque partie en voulant créer son monde :

  • Pour les anciens et ceux qui veulent faire de la conservation, il y a un risque de demeurer dans la vieillerie et de transformer le monde en un musée. Les exemples des gens qui se sentent en marge de la société sont légions, parce qu’ils résistent aux mutations. Dans les entreprises, beaucoup se sentent dépassés par la vitesse à laquelle vont les choses. Ils étaient habitués à une manière de faire, allaient à leurs rythmes… Aujourd’hui on parle de GESTION AXEE SUR LES RESULTATS, de management, de leadership, de la technologie avec les logiciels, les applications, l’externalisation de certaines fonctions, la digitalisation des process…Tout cela donne l’impression que l’humain devient secondaire.
  • Pour les jeunes, il y a de forts risques de perte de valeurs et principes. Ils risquent de ne plus avoir de profondeur dans les choses, et seront enclin à la tendance à tomber dans du ’paraitre’’. Ce qui entraînerait La déshumanisation, ou ce que Jacques ATTALI appelle l’artificialisation du vivant, j’ajouterais l’artificialisation de nos modes de vies, ce qui risque d’entrainer la perte de sens dans les choses.

Nous assistons aujourd’hui à une ruée de la société occidentale vers tout ce qui est spiritualité que ce soit en Afrique ou dans les religions orientales, ces religions qui mettent en premier la paix et l’harmonie intérieure avant de rechercher les biens extérieurs. On a l’impression que la société occidentale à un moment donné a fait la course à l’accumulation des richesses, des biens et à la forte consommation qui devraient permettre à l’homme de s’épanouir. Mais c’est plutôt l’effet inverse qui se produit. L’accumulation ne rend pas forcément heureux.

Au lieu de faire dans la conservation tout comme si l’humanité ne connaitra plus de meilleurs moment, ou au lieu de ne faire que critiquer ce que les anciens systèmes ou ce que les anciens ont produit comme résultat, ou encore au lieu que chacun aille de son côté croyant détenir la meilleure manière de faire les choses, pourquoi ne pas aller à la Co-création ?

 

IV – LA CO-CREATION

Vous connaissez certainement la philosophie UBUNTU : « Je suis ce que je suis grâce à ce que nous sommes tous », pour dire que nous n’avons pas besoin de faire champ séparé, nous pouvons nous mettre ensemble et profiter de ce que chacun apporte, profiter des expériences de l’autre, de l’énergie et du dynamisme des autres… Lorsque nous prenons également l’exemple de l’intelligence collective, qui à mon sens n’est pas très éloigné d’Ubuntu, vous remarquerez que la connaissance humaine prend de plus en plus vite de la valeur grâce à l’intelligence collective. Par exemple, quand un Sénégalais a accès à une invention d’un américain, il y ajoute de la valeur à travers son intelligence et aux ajustements qu’il fait en fonction de son environnement et à ses réalités. Quand l’australien aura accès à cette même invention à la suite du sénégalais, il y ajoutera également de la valeur en fonction du contexte à lui…, in fine l’humanité jouira d’une invention à forte valeur ajoutée. C’est exactement le même scénario dans les entreprises. Lorsqu’une idée sort et qu’on la soumet à tous, chacun y ajoute de la valeur, sa compréhension de la chose, on propose des ajustements et à la fin elle devient un projet lumineux qui apporte de la richesse ou de la performance à l’organisation.

Maintenant il est important pour chaque manager ou responsable de savoir identifier comment les membres de  son équipe réagissent lorsqu’un changement pointe à l’horizon. Qui sont ceux qui font de la résistance et préfèrent conserver les anciennes manières de faire, qui selon eux sont les meilleurs ? Ensuite qui sont ceux qui désirent innover et dans leur élan d’innovation, pensent qu’il faut recréer la roue et critiquent constamment les anciennes manières de procéder ? Et enfin est-ce qu’il arrive des moments où chacun préfère aller de son côté avec la ferme conviction qu’il détient la vérité et pense pouvoir le démontrer par sa réussite et l’échec des autres ? Le rôle du leader en ce moment c’est de créer l’environnement qui permet aux gens de se retrouver et de mettre leurs génies ensemble, de mettre leurs intelligences pour une même cause.

 

Sachez que la seule chose qui ne changera pas, c’est le changement, autant savoir comment il intervient et prendre les dispositions pour l’accueillir que de résister.

A VOTRE CHANGEMENT !

GANDONOU S. Marcellin

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